Pourquoi la musique classique est classique : Réflexions sur la lecture de « Écoutez la musique classique ! »

Critiques de livres

(Première publication le 25 novembre 1999)

Cette fois, je vais me pencher sur « Écoutez la musique classique ! » de Kyo Mitsutoshi, connu pour sa critique à la langue acérée. Le sous-titre du livre est « Un guide d’introduction décontracté et paradisiaque », mais son contenu est incisif et, à mon avis, mène à des réflexions plus profondes sur la composition que bien des livres de musique médiocres.

La perspective de l’auteur sur la musique classique est celle d’« une sorte de floraison culturelle extravagante (ou aberrante) propre à une certaine époque et à une certaine région ». Il soutient qu’il est difficile de comprendre « un certain type de musique classique » sans en saisir les origines et la finalité.

La raison en est la pensée artistique caractéristique de l’Europe du XIXe siècle. Dans un monde où l’autorité religieuse avait été ébranlée par la Révolution française, on cherchait à atteindre la « transcendance » (le divin) par « l’individu ». Cela a conduit l’art à revêtir une signification religieuse.

Ce qui était auparavant donné par la religion et allait de soi pour les gens fut alors redéclaré par « l’individu » : l’approche de l’« individu » vers la « transcendance ». Les gens tentèrent de répondre à la question « Qu’est-ce que le monde ? » à travers diverses œuvres. Si l’on qualifie cette activité d’art, il devient difficile de la considérer comme une musique que l’on peut écouter de manière désinvolte.

Plus tard, un mouvement contraire est apparu, niant la transcendance elle-même. Dans un monde matérialiste marqué par le déclin de l’autorité religieuse et l’essor de la bourgeoisie, les choses transcendantes furent dévalorisées. Vers la fin du XIXe siècle, Nietzsche est apparu, célèbre pour sa phrase « Dieu est mort ». La musique classique possède donc ce contexte culturel unique et subtil.

Par conséquent, l’auteur affirme que la musique classique est difficile, et dire qu’elle est simple est irresponsable. Il n’est pas facile pour les gens modernes, qui manquent souvent d’une solide base religieuse, de comprendre une musique classique ayant un tel arrière-plan.

Par ailleurs, l’auteur postule qu’« il existe deux types de beauté », citant la « beauté empathique » et la « beauté abstraite ». Son explication simple de ce point est quelque chose qui semblait manquer jusqu’à présent et qui est très éclairante.

Il explique ensuite que ce qui résonne avec l’émotion ressentie face à la nature (montagnes, rivières, plantes et arbres) ou le sentiment de respect face à de gigantesques constructions artificielles est la « beauté abstraite », et que celle-ci peut également être atteinte par la musique. Il souligne également qu’une caractéristique du sentiment de beauté abstraite est un sentiment envers quelque chose qui transcende l’humain. Il semble que l’auteur soutienne que c’est ce qui conduit l’art à revêtir une signification religieuse.

L’auteur développe ensuite son argumentation en citant quelques morceaux soigneusement sélectionnés. Il conclut que la « symétrie », l’« équilibre » et la « répétition » sont des éléments cruciaux qui évoquent la « beauté abstraite », et que le sommet de la fusion de ces éléments avec les caractéristiques culturelles de l’Europe de l’époque – « dualisme », « dialectique » et « eschatologie » – fut les symphonies de Bruckner, qui marquèrent également la fin de la musique classique. Je vous encourage vivement à lire cette section par vous-même.

Je pense que la compréhension de ce livre révèle une certaine posture face à la composition. Chacun aura probablement des impressions diverses à ce sujet. Cela pourrait également changer votre perspective sur la théorie des formes musicales. Une nouvelle compréhension de la forme sonate pourrait émerger. Cependant, laissant de côté ces détails mineurs, on en vient à penser qu’il nous est presque impossible, à nous Japonais d’aujourd’hui, de créer une musique classique de cette nature.

Nous pourrions peut-être en imiter la forme. Nous pourrions même parvenir à impressionner les auditeurs. Mais pouvons-nous posséder en son for intérieur le même type d’esprit que les compositeurs de cette époque ? J’ai essayé, mais j’ai le sentiment que mes tentatives ne sont que des imitations de forme. Est-ce parce qu’il leur manque l’intensité et la vigueur qui naissent d’une nécessité inhérente d’être ainsi ? Ce que je peux dire, c’est que je ne suis pas un Européen du XIXe siècle.

Si le vaste monde de la musique est façonné par l’acte de composition et la sensibilité de l’auditeur, alors il existe peut-être dans ce monde un domaine auquel on ne peut plus toucher. Je crois que c’est parce qu’il y a là un « quelque chose » qui ne peut être simplement écarté au motif qu’il appartient à une époque révolue.

Au début, l’auteur déclare : « La musique classique est déjà presque morte. » Le sens de cette affirmation se dévoile progressivement à la lecture. On prend alors conscience avec acuité de la difficulté d’imaginer la crudité de l’« acte de composer » d’autrui, et le regard se porte naturellement sur sa propre composition. L’écriture pleine d’esprit et stimulante de l’auteur est remplie de « catalyseurs » stimulants.

Pour l’anecdote, les illustrations, réalisées par l’auteur lui-même, ajoutent une touche agréable.

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Profil      

Créant de la musique crossover expérimentale basée sur le jazz et la musique classique. Fort de son expérience dans la composition pour des productions théâtrales et des jeux vidéo, il cherche à créer de la musique avec une forte dimension narrative.
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