« Exed Exes » de Capcom – Le thème principal qui brille encore aujourd’hui

Critiques musicales

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Suite à mon précédent article sur « 1942 », j’aimerais continuer à parler de la musique de jeu que j’adorais à l’époque, en explorant en détail ses caractéristiques et son charme.

Dans cet article, je vais me concentrer sur le thème musical principal (BGM) d’« Exed Exes » de Capcom, sorti en février 1985.

Les caractéristiques et l’univers uniques d’« Exed Exes »

Le design des ennemis était inspiré des insectes, et associé à un terrain composé de « terres entièrement recouvertes d’hexagones » rappelant une ruche, il créait une « sensation d’un autre monde » très singulière, empreinte d’une étrangeté aride. Les immenses forteresses volantes apparaissant au paroxysme de chaque niveau ont laissé une forte impression sur les joueurs de l’époque, combinant l’intensité de leurs tirs avec une BGM qui renforçait la tension et le sentiment d’oppression.

Fait notable, le jeu permettait un mode coopératif à deux joueurs simultanément, ce qui était encore rare à l’époque. Cela a introduit « le plaisir de la collaboration » et « une profondeur stratégique » inédits dans les jeux de tir. Une autre caractéristique majeure était le système de défense « Crash », qui consistait à utiliser un objet appelé « Sakichi » pour effacer toutes les balles ennemies de l’écran. Ce mécanisme d’évasion d’urgence peut être considéré comme l’un des prototypes des « bombes » dans les jeux de tir ultérieurs. De plus, ramasser un objet « Pow » transformait tous les ennemis à l’écran en objets bonus, les « fruits », offrant une opportunité d’augmenter son score. On peut dire que cela a favorisé la « culture du high-score », qui recherche l’équilibre entre le risque et la récompense.

Un thème principal enchanteur et scintillant

La première fois que j’ai vu ce jeu, j’ai été fortement attiré par son univers unique, que ce soit par ses arrière-plans à défilement multi-couches rapides, ou par la sensation à la fois métallique et organique de ses designs inspirés des insectes. Mais plus que tout, c’est la beauté envoûtante de son thème principal qui m’a captivé dès la première écoute. Son motif d’arpège si particulier, avec sa sonorité cristalline descendant de manière non fonctionnelle par demi-tons, a touché une corde sensible chez moi et est devenu inoubliable.

Je vous invite à écouter la BGM originale dans la vidéo ci-dessous.

Au sein d’une structure simple où quatre accords se répètent toutes les deux mesures, une harmonie évoquant une sensation de flottement est construite, d’où émanent une étrange fugacité et un lyrisme délicat.

La progression d’accords est la suivante, un enchaînement qui échappe aux fonctions harmoniques classiques, rendant l’accord de tonique difficile à identifier.

D♭M7→ C7→ BM7→ AM7
※Exemple d’analyse en degrés
IM7→ VII7→ ♭VIIM7→ ♭VIM7
IVM7→ III7→ ♭IIIM7→ ♭IIM7

L’ensemble étant composé d’arpèges (fondamentale + tierce + septième), il est impossible de déterminer une gamme précise. De plus, l’absence de cadence harmonique fonctionnelle empêche d’identifier une tonalité unique. En prêtant attention à ces sonorités, on peut percevoir des similitudes avec la musique française moderne (musique impressionniste) et l’harmonie jazz qui en a découlé.

En général, la BGM des jeux de tir tend à utiliser une musique héroïque ou agressive pour stimuler l’adrénaline du joueur, en adéquation avec la nature du jeu qui consiste à esquiver les tirs et à détruire les ennemis. Cependant, « Exed Exes » propose un arpège délicat, presque élégant, qui tranche radicalement avec cette tendance. Cette BGM d’une beauté sonore inhabituelle pour un jeu de tir mérite d’être soulignée comme une œuvre à part. Il est tout simplement remarquable de voir comment cette musique parvient à mettre en valeur l’univers du jeu sur le plan sonore. On peut affirmer que la « sensation d’un autre monde, empreinte d’une étrangeté aride » mentionnée au début n’existe que grâce à cette BGM, née d’une sensibilité esthétique différente de celle de la musique habituelle des jeux de tir.

La figure du prédécesseur, « Xevious »

À l’époque, en écoutant ce thème principal, je me suis demandé : « Ne serait-ce pas un hommage à la BGM de « Xevious » ? » Le chef-d’œuvre légendaire de Namco, « Xevious », est sorti fin janvier 1983, deux ans avant « Exed Exes ». C’est un jeu de tir à défilement vertical culte, dont l’univers mystérieux se déroule dans une Amérique du Sud futuriste où l’on combat l’envahisseur Gump.

La BGM de « Xevious », avec son motif d’arpège en boucle infinie composé de « quatre accords incluant une ligne de cliché (descente chromatique) », partage une impression superficielle commune avec celle d’« Exed Exes ».

Cependant, l’imagerie que les harmonies d’« Exed Exes » évoquent chez l’auditeur est radicalement différente de celle de « Xevious ». Si l’on devait qualifier l’image de la BGM de « Xevious » d’« inorganique et mystérieuse », celle d’« Exed Exes » pourrait être décrite comme « transparente et onirique ». On peut alors imaginer que la compositrice, Tamayo Kawamoto, cherchait peut-être à proposer une nouvelle direction pour la BGM des jeux de tir, passant du « SF/combat » de « Xevious » à la « fantaisie/autre monde » d’« Exed Exes ».

Si tel est le cas, il s’agirait alors de bien plus qu’un simple hommage, mais d’une « réponse stylistique » dans l’histoire de la musique de jeu, une tentative délibérée de s’inscrire dans la lignée de la BGM minimale et de la faire évoluer.

« Exed Exes » comme jalon de la BGM minimale

La « BGM minimale », caractérisée par l’absence de mélodie proéminente, un développement musical inexistant ou discret, et une structure basée sur la répétition de phrases simples, était assez courante dans les jeux de cette époque. Rien que pour la période 1983-1985, entre « Xevious » et « Exed Exes », on trouve de nombreux exemples de BGM minimales et concises, comme dans « Chack’n Pop » de Taito, « Zippy Race », « Spartan X » et « Lot Lot » d’Irem, ou encore « Dig Dug II » et « Motos » de Namco.

En comparant ces œuvres à « Exed Exes », les particularités de ce dernier ressortent. Examinons les caractéristiques des thèmes principaux de quelques-uns de ces jeux.

« Chack’n Pop » de Taito (1984)

La BGM de « Chack’n Pop » est construite sur la répétition d’un motif musical extrêmement simple alternant l’accord de tonique et de dominante, ce qui renforce efficacement l’ambiance fantaisiste du jeu. Cette « BGM semblable à un haïku », épurée de tout superflu, évoque une simplicité et une perfection qui rappellent un retour aux sources de la musique de jeu.

« Spartan X » d’Irem (1984)

Dans la BGM de « Spartan X », seul un riff de basse et le rythme se répètent à l’infini sur une progression blues. Dépourvu de toute mélodie ou accompagnement élaboré, le style est littéralement « spartiate » (rigoureux et robuste).

« Dig Dug II » de Namco (1985)

Bien que l’impression musicale soit totalement différente, il est intéressant de noter que la partie de basse de « Dig Dug II » partage une caractéristique structurelle avec celle de « Xevious » (le motif est légèrement différent, mais toutes deux possèdent une ligne de cliché descendante chromatique). Étant donné que ces deux œuvres ont été composées par Yuriko Keino, il est possible qu’il y ait eu une intention cachée ou un clin d’œil.

« Motos » de Namco (1985)

Dans la BGM de « Motos », des accords tendus et des arpèges sont superposés à un motif de basse martelé, créant un espace musical où le sentiment de tonalité est faible. À la première écoute, cela provoque une sensation de flottement et de dissonance, comme si le sol se dérobait sous nos pieds. Cependant, la ligne de basse reste globalement stable et, lorsqu’elle change, elle maintient une relation solide d’intervalle de quarte (qui s’inverse en quinte), assurant un équilibre global subtil. Ces éléments musicaux correspondent parfaitement au gameplay consistant à « pousser ou être poussé », ce qui en fait un excellent exemple de BGM de jeu rétro.

L’accomplissement du thème principal d’« Exed Exes »

Toutes les œuvres rétro que nous avons abordées sont le fruit des meilleurs efforts et des idées les plus ingénieuses dans le cadre des contraintes de développement de l’époque, et elles démontrent une utilisation intentionnelle et efficace de la BGM minimale. Même en tenant compte de cela, l’originalité et l’avant-gardisme de la BGM de « Xevious » ainsi que, et surtout, le raffinement de la BGM magnifique et singulière d’« Exed Exes » se démarquent une fois de plus.

Comme mentionné précédemment, « Exed Exes » utilise une BGM issue d’une sensibilité esthétique différente de celle des jeux de tir précédents pour créer, soutenir et accentuer sa « sensation d’un autre monde, empreinte d’une étrangeté aride » sur le plan sonore. Et en ce qui concerne sa relation avec « Xevious », la possibilité qu’il s’agisse de plus qu’un simple hommage – une « réponse stylistique » et une tentative délibérée de s’inscrire dans la lignée de la BGM minimale et de la faire évoluer – constitue un point d’intérêt fascinant.

De ce point de vue, il n’est pas exagéré de dire que le thème principal d’« Exed Exes » représente un aboutissement raffiné et un jalon important dans la « BGM minimale » de cette époque.

Souvenirs d’« Exed Exes »

La première fois que j’ai joué à « Exed Exes », c’était dans le coin arcade d’un bowling de ma ville. Malgré le bruit ambiant, son thème principal si caractéristique parvenait clairement à mes oreilles, mais je me souviens avoir eu du mal à distinguer les autres musiques.

Je me rappelle en particulier la fanfare après avoir vaincu un boss. Pour une raison que j’ignore, seules les basses semblaient très fortes, tandis que le rythme résonnait avec insistance. À l’époque, j’étais impressionné et je me disais : « Une harmonie avec une telle puissance et une telle force d’intimidation est parfaite pour la destruction d’un boss ! »

Plus tard, en l’écoutant à nouveau dans un autre endroit, j’ai été déconcerté : « Attends, la fanfare était comme ça ?… » Pourtant, l’impression que j’ai eue la première fois demeure encore aujourd’hui, certes de manière vague, comme un « chef-d’œuvre personnel de mon cœur ».

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Profil  
Masaharu

Compositeur japonais. Basé sur le jazz et la musique classique, il compose une musique crossover expérimentale. S'appuyant sur son expérience dans la composition pour le théâtre et les jeux, il recherche une musique alliant récit et beauté de la structure.